Au service de la mission

Historique


Une histoire qui commence à Lyon

Si la mission diocésaine existe officiellement depuis le 1er septembre 2011, la pastorale en direction des recommençants est née à Lyon il y a une trentaine d’années grâce à l’attention pastorale du Père Henri Bourgeois, prêtre et théologien. Dans l’effervescence qui accompagna la renaissance et le développement du catéchuménat des adultes (autour des années 1970), il aurait été facile de proposer à ces baptisés découvrant ou redécouvrant la foi de rejoindre les catéchumènes.

C’est parce qu’il a vraiment écouté et qu’il a su s’entourer d’autres observateurs et acteurs que le Père Henri Bourgeois a fait le pari de prendre du temps pour l’analyse de ces récits de recommencements afin ne pas globaliser les situations tout en donnant à repérer des traits spécifiques :


« Ce qui est souhaité par des personnes qui désirent se remettre à croire, ce n’est pas de revenir à une origine pour toujours disparue. C’est de vivre un nouveau commencement. Ou encore, de mettre du commencement dans une vie qui a déjà du passé(…) S’y remettre, ce n’est pas se ranger, rentrer dans le rang, faire une fin ; c’est inaugurer et avoir le goût de ce qui commence»[1]

C’est donc avec le Père Henri Bourgeois qu’est née cette pastorale dont le principe est le dialogue de salut (Ecclesiam suam de Paul VI), c'est à dire la « conversation » au sujet de ce qui fait l’expérience croyante. Ce n’est pas une conversation au hasard, mais un échange conduit, Bible ouverte sur la table, qui permet, à partir de ce que vivent ces personnes, de « révéler » comme on le fait par le développement d’une photo argentique, la présence de Dieu dans leur vie, et c’est la Révélation, par ses figures bibliques emblématiques, qui le réalise.

Quels furent les éléments préparatoires qui amenèrent à proposer une pastorale adaptée et habituellement accessible et dans lesquels on retrouve les préoccupations épistémologiques du théologien ? On peut repérer cinq points à ne pas dissocier :

Il y eut la prise en compte du contexte général, celui de la sécularisation de la société dans laquelle l’identification entre catholique et chrétien n’est plus évidente, la transmission mal assurée. Un tel contexte aurait pu être occulté par souci de se concentrer sur l’urgence de la tâche de transmission, de mise en place de conditions ecclésiales renforcées de catéchèse classique. Mais pour le théologien, la foi et la culture ont toujours été indissociables et les méthodes anciennes de catéchèse ne pouvaient plus suffire. Il a donné à ses étudiants et à toutes les personnes qui travaillaient avec lui  le goût du débat, de la recherche, des sentiers inexplorés.

Il y eut un cadre propice d’expérimentation, le catéchuménat, et la fécondité de l’initiation chrétienne comme itinéraire personnel accompagné. Cet itinéraire d’initiation ne vise pas d’abord et seulement le baptême, mais le devenir chrétien dans une existence éclairée par l’évangile. Dans ce cadre, beaucoup de chercheurs de Dieu ont frappé à une porte qu’ils ont perçue comme étant celle qui pouvait ouvrir des possibilités adaptées à leur vie et à leurs questions d’adultes. Et ils ont en effet trouvé des chrétiens pour accueillir et accompagner leurs demandes.

·       La diversité des demandes venues de ces adultes aurait, elle aussi, pu être occultée. Mais pour faire droit à la liberté des personnes, à la singularité de leurs parcours, Henri Bourgeois multiplia les initiatives de dialogues, de forums, de débats qui permettaient des échanges sans complexe où la foi commençante ou recommençante pouvait s’exprimer comme elle était, mais aussi, la non foi, les croyances autres, et toutes les questions touchant au sens de la vie. Ce fut l’époque de l’Espace Sainte-Marie. C’est de ce véritable laboratoire qu’a émergé un aspect original de la théologie catéchuménale pratique : la théologie des recommençants dans les proximités et les différences qu’elle pointe avec les catéchumènes et aussi les horizons qu’elle peut contribuer à faire entrevoir pour une Eglise qui se met à l’écoute d’un dialogue entre les hommes de ce temps et le Christ, dialogue dont nous croyons que Dieu a l’initiative et que l’Eglise doit rendre possible.

·       Il y eut enfin, le travail théologique proprement dit. L’auto-récit reste anecdotique s’il n’est pas reformulé à la lumière de l’expérience chrétienne fondamentale de libération personnelle : et c’est la structure même de l’expérience pascale qui donne forme au catéchuménat ainsi qu’à tout itinéraire d’initiation ou de ré-initiation chrétienne. L’expérience pascale des disciples de Jésus, montre une structure constante, la rencontre de deux libertés, celle de Dieu et celle de l’homme et dont le pivot est le doute, expression de la souveraineté du Christ qui assume la fragilité de l’homme, et de la liberté de l’homme. Or, par rapport aux catéchumènes, les recommençants témoignent d’une inquiétude latente : la foi ne s’oppose pas au doute, ils en témoignent continuellement, elle est un acte libre et qui rend libre dans une existence marquée par bien des soubresauts et des ruptures. Les recommençants sont ainsi, bien souvent, des chrétiens qui dérangent parce qu’ils témoignent de cette liberté de l’Esprit qui vient manifester la puissance du salut de manière originale.

     

De la relecture des expériences, et enfin, de quelques propositions pastorales concrètes, limitées – il n’a pensé avoir la réponse satisfaisante et définitive pour tous – Henri Bourgeois a donc ouvert avec les recommençants et tous les chercheurs de sens une page inédite dans le livre des pratiques pastorales.


 

[1] H.Bourgeois, Théologie Catéchuménale, Cerf 2007, 322p. p.186.