« Ce qui est souhaité par des personnes
qui désirent se remettre à croire, ce n’est
pas de revenir à une origine pour toujours
disparue. C’est de vivre un nouveau
commencement. Ou encore, de mettre
du commencement dans une vie qui a déjà du
passé(…) S’y remettre, ce n’est pas se
ranger, rentrer dans le rang, faire une
fin ; c’est inaugurer et avoir le goût de ce
qui commence»
C’est donc avec le Père Henri Bourgeois
qu’est née cette pastorale dont le principe
est le dialogue de salut (Ecclesiam
suam de Paul VI), c'est à dire la
« conversation » au sujet de ce qui fait
l’expérience croyante. Ce n’est pas une
conversation au hasard, mais un échange
conduit, Bible ouverte sur la table, qui
permet, à partir de ce que vivent ces
personnes, de « révéler » comme on le
fait par le développement d’une photo
argentique, la présence de Dieu dans leur
vie, et c’est la Révélation, par ses figures
bibliques emblématiques, qui le réalise.
Quels furent les éléments préparatoires qui
amenèrent à proposer une pastorale adaptée
et habituellement accessible et dans
lesquels on retrouve les préoccupations
épistémologiques du théologien ? On peut
repérer cinq points à ne pas dissocier :
Il y eut la prise en compte
du contexte général, celui de la
sécularisation de la société dans
laquelle l’identification entre catholique
et chrétien n’est plus évidente, la
transmission mal assurée. Un tel contexte
aurait pu être occulté par souci de se
concentrer sur l’urgence de la tâche de
transmission, de mise en place de conditions
ecclésiales renforcées de catéchèse
classique. Mais pour le théologien, la foi
et la culture ont toujours été
indissociables et les méthodes anciennes de
catéchèse ne pouvaient plus suffire. Il a
donné à ses étudiants et à toutes les
personnes qui travaillaient avec lui
le goût du débat, de la recherche, des
sentiers inexplorés.
Il y eut un cadre propice
d’expérimentation, le catéchuménat, et
la fécondité de l’initiation chrétienne
comme itinéraire personnel accompagné. Cet
itinéraire d’initiation ne vise pas d’abord
et seulement le baptême, mais le devenir
chrétien dans une existence éclairée par
l’évangile. Dans ce cadre, beaucoup de
chercheurs de Dieu ont frappé à une porte
qu’ils ont perçue comme étant celle qui
pouvait ouvrir des possibilités adaptées à
leur vie et à leurs questions d’adultes. Et
ils ont en effet trouvé des chrétiens pour
accueillir et accompagner leurs demandes.
·
La diversité des demandes
venues de ces adultes aurait, elle aussi, pu
être occultée. Mais pour faire droit à
la liberté des personnes, à la singularité
de leurs parcours, Henri Bourgeois multiplia
les initiatives de dialogues, de forums, de
débats qui permettaient des échanges sans
complexe où la foi commençante ou
recommençante pouvait s’exprimer comme elle
était, mais aussi, la non foi, les croyances
autres, et toutes les questions touchant au
sens de la vie. Ce fut l’époque de l’Espace
Sainte-Marie. C’est de ce véritable
laboratoire qu’a émergé un aspect original
de la théologie catéchuménale pratique : la
théologie des recommençants dans les
proximités et les différences qu’elle pointe
avec les catéchumènes et aussi les horizons
qu’elle peut contribuer à faire entrevoir
pour une Eglise qui se met à l’écoute d’un
dialogue entre les hommes de ce temps et le
Christ, dialogue dont nous croyons que Dieu
a l’initiative et que l’Eglise doit rendre
possible.
·
Il y eut enfin, le travail
théologique proprement dit. L’auto-récit
reste anecdotique s’il n’est pas reformulé à
la lumière de l’expérience chrétienne
fondamentale de libération personnelle : et
c’est la structure même de l’expérience
pascale qui donne forme au catéchuménat
ainsi qu’à tout itinéraire d’initiation ou
de ré-initiation chrétienne. L’expérience
pascale des disciples de Jésus, montre une
structure constante, la rencontre de deux
libertés, celle de Dieu et celle de l’homme
et dont le pivot est le doute, expression de
la souveraineté du Christ qui assume la
fragilité de l’homme, et de la liberté de
l’homme. Or, par rapport aux catéchumènes,
les recommençants témoignent d’une
inquiétude latente : la foi ne s’oppose pas
au doute, ils en témoignent continuellement,
elle est un acte libre et qui rend libre
dans une existence marquée par bien des
soubresauts et des ruptures. Les
recommençants sont ainsi, bien souvent, des
chrétiens qui dérangent parce qu’ils
témoignent de cette liberté de l’Esprit qui
vient manifester la puissance du salut de
manière originale.
De la relecture des expériences, et enfin,
de quelques propositions pastorales
concrètes, limitées – il n’a pensé avoir la
réponse satisfaisante et définitive pour
tous – Henri Bourgeois a donc ouvert avec
les recommençants et tous les chercheurs de
sens une page inédite dans le
livre des pratiques pastorales.
H.Bourgeois, Théologie Catéchuménale,
Cerf 2007, 322p. p.186.
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